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"Certes, vous vous couchez comme un ange de neige, Plus que le bronze lourd, plus léger que le liège, Sur l'amant dont le spasme enfin vous réjouit; Sous votre feu glacé la chair se fait statue, Mais, à la longue, il faut, mort, que je m'habitue A vous recevoir dans mon lit. "

Jean Cocteau, L'endroit et l'envers

 

On voudrait déjà imaginer une rétrospective d’Ellie Hailwidis tant ses photographies, toutes vues ensembles, incitent à la narration, à l’élaboration d’une histoire qui irait de la naissance sensuelle d’un désir jusqu’à sa sublimation dans le tragique. L’origine de ce désir est aussi mystérieuse que son épanouissement –ainsi que sa fin. Il opère de multiples signes semblant retranscrire un langage dont nous n’aurions pas le code, quelque chose de l’ordre du théâtre antique, avec sa gestuelle étudiée et sa prise de distance, son approche si artificielle des émotions qui embrasent les héroïnes. Leurs poses sont figées, statufiées. Comme dans le théâtre ou dans les photographies de mode, la mise en scène, très appuyée, faite d’apparats et de clichés (costumes de cabarets, ailes d’anges, robes de soirée), surligne l’imitation, puis la singularise, pour en faire éclore son authenticité. Ellie Hailwidis ne se concentre sur la puissance des illusions que pour en trouver le sens vital –et nous guider vers cette vérité que les illusions expriment. La vérité, dans les photographies d’Ellie Hailwidis, je crois qu’elle se situe dans les profondeurs que laisse insidieusement deviner la surface. Elle est à chercher dans la tension, dans la confrontation : les corps entre eux, les corps aux tenues sophistiquées dans les décors (les dé-corps) de ruine et d’une nature post-apocalyptique, la délicatesse des poses et leur violence soupçonnée… Le noir et le blanc, la vie et la mort, l’érotisme et la pudeur… Il y a du bruit et de la fureur sous la silencieuse douceur des images. Du mouvement derrière l’immobilité redoutable des gestes. Si chaque photographie est l’étape d’une histoire, chaque photographie contient aussi en elle l’étendue de sa propre histoire, une étendue événementielle qui maintient l’ensemble. Mais de même que le travail d'Ellie Hailwidis pourrait ne jamais avoir de fin (puisque c’est de par sa répétition qu’il fonctionne) de même son histoire, son désir, sont un éternel retour jamais assouvi (l’idée de résurrection, par ailleurs est assez clairement définie). Cela doit avoir quelque chose à voir avec le sacré. Ce que nous montre la photographie d’Ellie Hailwidis, c’est un désir qui, au-delà de la vie et de la mort, devient Dieu et trône comme une rencontre amoureuse sur le cadavre du temps. Une rencontre qui n’en fini pas de se dérouler, toujours en tant que rencontre, du corps autre mais si semblable –de soi-même.    Par Hannibal Volkoff, Art Curator.

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